Santé

Prévention des TMS chez les soignants : stratégies et bonnes pratiques

Jusqu’à 80 % des personnels soignants déclarent au moins un trouble musculosquelettique au cours de leur carrière. Dans certains hôpitaux, ces pathologies représentent la première cause d’arrêt de travail, devant les maladies infectieuses. Les recommandations officielles existent, mais leur application reste inégale selon les établissements.

Des stratégies ciblées, associées à des pratiques concrètes, transforment pourtant le quotidien et limitent la progression de ces troubles. La prévention repose sur des ajustements organisationnels, des équipements adaptés et des gestes précis, loin de toute improvisation.

Comprendre les TMS chez les soignants : définitions, formes et ampleur du phénomène

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) dominent tristement le palmarès des maladies professionnelles dans le secteur sanitaire et social. Près de 95 % des pathologies reconnues relèvent de cette catégorie, qui englobe un large éventail d’atteintes : muscles, tendons, ligaments, articulations, nerfs et vaisseaux sanguins figurent en première ligne. Les symptômes prennent des formes multiples : douleurs, raideurs, perte de force, engourdissement, tout dépend des gestes répétés et des postures dictées par le métier.

Voici un tour d’horizon des problèmes les plus fréquemment rencontrés :

  • Lombalgie : douleur persistante au bas du dos, quasi-incontournable pour les aides-soignants et infirmiers, surtout lors des transferts de patients.
  • Cervicalgie et dorsalgie : inconfort durable au niveau du cou ou entre les omoplates, bien souvent conséquence de postures statiques prolongées.
  • Tendinites, syndrome du canal carpien, bursite ou ténosynovite de De Quervain : troubles qui affectent les bras et les mains, fréquents chez les brancardiers, manipulateurs et kinésithérapeutes.
  • Pathologies du genou : douleurs dues aux accroupissements répétés, qui finissent par peser lourd sur les articulations.

Le constat est net : aucun métier du soin n’échappe à cette réalité. Que l’on soit aide-soignant, infirmier, brancardier ou kinésithérapeute, l’exposition est quotidienne, même si les gestes diffèrent. Cette situation se traduit par une multiplication des absences, étroitement liée à la répétition de mouvements contraignants. La prise de conscience collective avance, portée à la fois par les chiffres et par les témoignages venus du terrain.

Pourquoi le personnel soignant est-il particulièrement exposé aux troubles musculosquelettiques ?

Au cœur du problème se trouve la manutention des patients. Dans chaque établissement de santé et en EHPAD, la journée du soignant est rythmée par des gestes récurrents : soulever une personne dépendante, la déplacer entre le lit et le fauteuil, réajuster sa position, pratiquer un rehaussement ou un transfert lit-brancard. Membres inférieurs, colonne vertébrale, épaules, poignets… tous subissent la pression de ces efforts, surtout quand le port de charge et les imprévus s’invitent dans l’équation.

Les éléments suivants illustrent la diversité des facteurs impliqués :

  • Facteurs physiques : charges lourdes, postures difficiles, répétition des mêmes gestes.
  • Facteurs psychosociaux : surcharge de travail, pression liée au temps, manque de reconnaissance.
  • Facteurs organisationnels : organisation des plannings, gestion des temps de pause, monotonie des tâches.
  • Facteurs environnementaux : bruit ambiant, éclairage insuffisant, températures peu clémentes.

La combinaison de ces éléments aggrave le risque TMS. Le rythme soutenu des soins accélère la succession des mouvements, laissant peu d’espace à la récupération. Concentré sur le patient, le soignant relègue souvent les signaux de fatigue au second plan. Les conséquences sont directes : multiplication des arrêts de travail, hausse de l’absentéisme, équipes fragilisées et qualité des soins menacée. En parallèle, les ressources humaines se tendent, le turnover grimpe. Dans ce contexte, prévenir les troubles musculosquelettiques devient un levier clé de la santé au travail et du bon fonctionnement des établissements.

Personnel soignant faisant des exercices d

Des solutions concrètes pour prévenir les TMS au quotidien dans les établissements de santé

Limiter l’apparition des troubles musculo-squelettiques (TMS) suppose une action coordonnée sur plusieurs fronts. Trois axes structurent cette démarche. Le premier, la prévention primaire, cible l’origine même du risque : il s’agit d’adapter les postes, d’installer systématiquement des équipements ergonomiques comme les lève-personnes, rails de transfert ou lits réglables. L’INRS recommande une approche pluridisciplinaire où soignants, ergonomes et médecins du travail travaillent de concert. Le DUERP, document unique d’évaluation des risques professionnels, sert de boussole en recensant et en hiérarchisant les dangers lors d’ateliers collectifs.

La formation continue représente un levier indispensable. Elle permet aux membres du personnel, aides-soignants, infirmiers, brancardiers, d’intégrer des gestes adaptés, de repérer les situations à risque et de faire évoluer leurs pratiques. Des établissements comme l’AFPC ou le CHCB proposent des modules pointus, axés sur la manutention sécurisée et la protection du dos. Les formations menées en équipe nourrissent la vigilance commune et encouragent le partage d’astuces concrètes, parfois issues de l’expérience du terrain.

La prévention secondaire repose sur la détection précoce des signaux d’alerte : douleurs lombaires, tendinites, gênes articulaires. À la moindre gêne, le soignant doit se tourner sans tarder vers le médecin du travail, qui peut recommander un aménagement ou une prise en charge adaptée. Enfin, la prévention tertiaire vise à maintenir l’activité en aménageant le poste, avec le soutien de la CSSCT et de la hiérarchie. Cette démarche préserve la continuité de l’activité et limite la désinsertion professionnelle.

Prévenir les TMS ne relève pas du simple bon sens : cela demande de la méthode, de l’écoute et surtout, une volonté collective de transformer les habitudes. C’est dans ces petits ajustements quotidiens et ces efforts conjoints que se joue la santé des soignants. Demain, le geste juste pourra peut-être faire la différence entre la lassitude et la longévité au travail.